mercredi 28 mars 2007

Compassion sélective





’ai assisté samedi dernier aux « premières rencontres du cinquième pouvoir », manifestation organisée par Agoravox, le site référence de ce qu’on appelle désormais « le journalisme citoyens » (Je reviendrai dans un autre billet sur les détails de cette journée). A la fin de l’intervention de Natacha Quester Seméon, fondatrice de Humains Associés, qui s’exprimait sur le travail de son association sur Second Live, elle a appelé à la solidarité avec Karim Amer le blogueur égyptien qui vient d’écoper de 4 ans de prison pour des textes publiés sur internet. Bien évidement cette initiative est à saluer surtout, et à ma grande surprise, qu’il n’y en a pas eux d’autres durant cette journée citoyenne !

Je me suis alors posé la question de savoir pourquoi une affaire attirerait plus l’attention qu’une autre ? Qu’est ce qui fait qu’on retienne un nom, plutôt qu’un autre ? Pourquoi certaines injustices sont elles hyper-médiatisées et d’autres quasiment ignorées ? Autant de questions auxquelles je ne trouve pas de réponses. Bien évidement le but n’est pas de faire de la quantification ou des comparaisons entre les souffrances, mais justement partant du principe que toutes les souffrances sont égales, pourquoi alors une telle compassion sélective ? Plus inquiétant encore, on a le sentiment que la nature des prises de positions et des idées exprimées détermineraient au préalable l’importance de la couverture médiatique ainsi que la mobilisation que susciteront les poursuites judiciaires ou l’incarcération de ceux qui les expriment !

Le phénomène de la compassion sélective n’est pas nouveau. Faut-il certainement y voir la prédominance des médias de masses qui ont formaté l’information en la réduisant à des symboles qui ont pour but de susciter de l’émotion. Selon le pays, la culture et l’histoire du consommateur de l’information, sa réaction face à l’information n’est pas la même. C’est donc tout naturellement que pour les médias occidentaux, un blogueur égyptien incarcéré pour avoir sévèrement « critiquer » l’Islam, est beaucoup plus accrocheur médiatiquement qu’un avocat père de deux enfants, époux d’une femme remarquable, torturer et jeter en prison pour un texte qui dénonce l’état des prisons tunisiennes et les exactions qui s’y pratiquent. Les médias alternatifs qui ont émergé avec les nouvelles technologies de l’Internet, avaient initialement pour objectif de se soustraire à cette information du symbole et de l’émotion. Mais semblent en fin de compte succomber aux mêmes tentations simplificatrices et stéréotypées.

Cela n’est pas seulement le fait des médias français, ou des sphères qui ne sont pas directement concernées par ces pratiques, ce phénomène existe aussi dans les pays touchés par des cas de censures et de représailles. Le net tunisien est un bon exemple de ce renoncement et de cette fascination pour des cas surmédiatisés alors que la majorité de ses acteurs ignorent presque tout de certains de leurs compatriotes emprisonnés ou poursuivis pour des faits similaires. Alors que l’affaire Karim Amer a suscité et suscite encore un fort élan de solidarité, certains blogs arborent même les affiches de soutient au blogueur égyptien, à l’époque de l’enlèvement de Maître Mohamed Abbou, son procès monté de toute pièce et sa condamnation injuste à 3 ans et demi de prison, n’avait que très peu ému le net tunisien en dehors des sites militants. Le triste 2ème anniversaire de son incarcération, n’a suscité que quelques lignes de commentaires sur des billets qui en parlaient à peine. Encore plus consternant, à ma connaissance et j’espère me tromper, l’affaire Abbou n’a pas tant passionné la blogosphère égyptienne ni les autres blogosphères arabes non plus.

Il ne faut pas non plus oublier que la médiatisation du cas Amer est sûrement aussi le fruit de la mobilisation de la blogosphère égyptienne qui fait un travaille remarquable aussi bien sur Internet que sur le terrain. Pour le cas Abbou, Mais aussi de celui de Mohamed Fourati lui aussi poursuivi et condamné par contumas à 14 mois de prison pour deux textes publiés sur Internet. Le juge Mokhtar Yahyaoui, révoqué pour avoir demander l’indépendance de la justice dans une lettre publiée sur Internet, pour autant de noms, parmi tant d’autres, le soupçon de volontarisme que les blogueurs tunisiens emploient pour médiatiser le cas d’un blogueur égyptien ou d’un journaliste marocain, ne semble pas au rendez-vous pour des cas censés plus proches.

Encore une fois le but de ce billet n’est pas de quantifier la solidarité qu’on se doit à tel ou tel personne. Je ne peux que me réjouir qu’on parle autant de Karim Amer, mais j’aurais aimé que cela ne soit pas au dépend d’autres victimes de l’absurdité des dictatures qui sévissent encore dans le monde. Il ne faut pas que toutes ces victimes subissent la double injustice d’être à la fois sanctionnées pour avoir exprimer leurs idées et oubliées par ceux a qui elles étaient destinées.



mardi 27 mars 2007

Keep Talking !

« For millions of years mankind lived just like the animals.
Then something happened which unleashed the power of our imagination:
We learned to talk »
Pink Floyd







a science a longtemps inscrit notre rapport à notre animalité dans une continuité qui s’étend de nos origines animales à notre état évolutif actuel. Or de plus en plus de scientifiques mais aussi de philosophes voient ce rapport, non plus dans la continuité mais précisément dans l'écart nécessaire à nous constituer comme humains. « Ce n'est pas la conjonction de l'homme et de l'animal qu'il faut penser mais leur séparation [1]». Ce qui ferait donc notre humanité, c'est la conscience de ce qui nous différencie de l'animal. Cette recherche de notre « dignité [2] », de notre « conscience de soi », se base sur deux composantes, qui en deviennent fondamentales, qui sont la liberté et la construction de soi faite de questions, d’inquiétudes et de désirs toujours insatisfaits.

La jouissance de la liberté, ainsi que la mise en place de mécanismes de construction de soi, nécessitent la mise ne place d’une construction intellectuelle et donc de prendre le risque d’« être livré à quelque chose qui se refuse ». Henri Laborit[3] définissait la pensée comme irritation, manque d'information et angoisse. En effet, la réflexion provoque une inhibition des mécanismes instinctifs et une « suspension du rapport animal », qui se traduit dans le cerveau par l’inhibition de la réaction immédiate pour introduire des données supplémentaires à plus long terme comme la prise en compte des enjeux sociaux, de l’image de soi, du poids des paroles et du sens…etc. La pensée humaine permet donc de surmonter la fascination animale pour prendre un recul critique et construire une objectivité de la somme des subjectivités du jugement humain.


Ce processus continuel de prise de distance, de rationalisation, d'arrachement à nos fixions et nos préjugés n’est possible que par la réflexion qui constitue un réveil à chaque fois renouvelé de nos rêves imaginaires, des apparences et des projections de nos désirs. L'accession à l'humanité exige un détachement de cette fascination animale, que seul le langage permet en séparant le mot de l'émotion. Seul la parole permet d'analyser sa propre pensée, de l'objectiver, de l'universaliser. L’Homme se trouve donc le lieu d'un conflit, d'un effort perpétuel pour se soustraire des carcans de son instinct animal et s'ouvrir ainsi à la liberté, à la justice, aux possibles et à l'universel, bien au-delà de sa réalité immédiate et prosaïque.

Par ailleurs, si la réflexion et son expression sont inhibitrices de nos instincts archaïques, la confiscation de la parole et l’endoctrinement dans tous leurs aspects sont au contraire les catalyseurs de la régression et du retour à la prédominance de l’instinct sur la réflexion. La résignation, la peur et la violence qui caractérisent nos sociétés modernes, les guerres de territoires ou de dominations qui ensanglantent le monde et la course effrénée pour « la domination de l’Homme par l’Homme », sont, en partie, les conséquences d’une volonté de plus en plus fortes, sous des aspects plus au moins visibles et plus au moins violents, d’un encadrement de la pensée, d’un contrôle de la parole et d’une détermination à imposer une pensée unique de plus en plus restrictive pour la construction de soi.

Pourtant, et encore à ce stade de l’évolution de l’humanité il est encore difficile pour certains d’admettre le caractère fondamental de l’usage de la parole et de l’expression libre de la pensée. L’usage de cette parole salvatrice et humanisante est encore, pour des centaines de millions de personnes à travers le monde, confisqué, contrôlé et censuré. Pire, pour des milliers de personnes, l’exercice de leur humanité traduit par l’expression de leurs pensées est sévèrement réprimandée par la prison, la torture et des fois même la mort. Se qui constitue notre véritable victoire sur notre animalité, est devenue un sacerdoce pour une majorité de ceux qui en usent.

Sami Ben Gharbia, répondant à Hamdi Qindil qui lui demandait pourquoi il blogue, a répondu : « Je blogue pour me réapproprier ma valeur fondamentale : la parole ». Faut-il d’autres raisons pour continuer de parler, d’user de cette faculté, de ce privilège pour exprimer sa pensée pour affirmer à chaque instant son humanité ?




[1] L'ouvert, De l'homme et de l'animal, Giorgio Agamben, Rivages, 2002
[2] Œuvres philosophiques, Jean Pic de La Mirandole, Paris, P U.F., Épiméthée, 1993
[3] Henri Laborit, biologiste, philosophe du comportement animal et du comportement humain


Ce texte est dédié à Maître Mohamed Abbou, injustement emprisonné pour avoir user de son droit fondamental de penser, de s’exprimer et de revendiquer son humanité.

mardi 20 mars 2007

jeudi 15 mars 2007

Entre la" Via" Ben Ali et l'Esplanade Habib Bourguiba il n'y avait pas photo !

Aujourd'hui il y a les photos, mais aussi une vidéo !!







’affaire commence le 24 janvier avec un édito du quotidien La Presse qui annonçait triomphalement : « La décision prise par le conseil municipal de la ville italienne Villafranca, en Toscane, de baptiser l’une de ses artères principales au nom du Président Zine El Abidine Ben Ali… ». La mascarade aurait pu passé inaperçue sans compter sur la vigilance citoyenne de notre ami Astrubal ! A l’aide du redoutable Google Earth, le « diabolique » Astrubal nous démontre sur les forums de Nawaat, dans une vidéo réalisée avec des images satellites, l’étendue de la supercherie. A peine 80 mètre d’un chemin de village qui ne mène nulle part !

On pouvait déjà imaginer la tête du journaleux qui a fait de cette « Zanqa » toute un plat mais aussi celles des officiels tunisiens en Italie, qui ont du sûrement vendre leur « réalisation » comme un grand acquis pour le président et son ego légèrement disproportionné. Mais voilà que, plus d’un mois plus tard, Astrubal remue allégrement le couteau dans la plaie et nous reporte les images de la fameuse « Via » déniché sur le site d’un blogueur italien ! La claque est monumentale ! Une sorte de chemin qui n’a peut être jamais eu de nom au par-avant. Il part de sous un pont d’où passe une voie ferrée et ne mène toujours nulle part. On est vraiment loin de « l’artère principale » promise par le zélé « écrivain publique ».

Quelle mouche a donc piqué les représentants de la diplomatie tunisienne pour qu’ils ridiculisent leur président de la sorte ? De quels arguments ont-ils pu user pour convaincre le président et ses Spin Doctors pour qu’ils approuvent cet affront ? Ont-ils mis en avant que cette ville a été le refuge de Dante Alighieri, écrivain et homme politique florentin et auteur de « La Divine Comédie » ? Mais je ne pense pas qu’ils sont allés jusqu’à lire cette œuvre. Parce qu’ils auraient découvert ce que L’Enfer de Dante prévoyait pour les trompeurs* de toutes sortes. Peut être qu’ils ont mis en avant le fait qu’une voie ferrée passait prés de sa « Via » ? Mais sûrement pas, que de ce chemin il est impossible de prendre le train et qu’au mieux on pouvait le voir passer ! Est ce le nom de la ville, Villafranca (ville franche) ? Pour des affranchies cela me semble un peu osé.

Bref j’ai beau retourner le problème dans tous les sens je n’arrive pas à trouver un argument valable qui expliquerait qu’on accepte cette méprisante distinction. La seule explication possible c’est qu’ils ont rien dit en espérant que personne ne s’aventure à visiter ce coin perdu. Mais là, avec les photos publiées sur le net le pot aux roses est découvert et tous ceux qui ont contribué a cette mascarade n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.

Ils ne seront peut être pas les seules à se ranger les ongles. Si on suit le même raisonnement, les diplomates tunisiens qui étaient en poste à Paris pendant l’inauguration de l’esplanade Habib Bourguiba auraient pu minimiser l’importance de cette consécration en expliquant à la présidence que ce n’était qu’un chemin de campagne en marge de la ville ! C’est clair que là, il aurait fallu des tonnes d’imaginations et de persuasions pour arriver à convaincre que le quai d’Orsay sur les bords de Seine dans le 7ème arrondissement de Paris n’est qu’un chemin de travers.

Pour dissiper tous les doutes et réconforter tous ceux qui se sont sentis insultés que notre pays soit associé à une impasse, une petite balade sur l’esplanade Habib Bourguiba vous redonnera le moral. Ceux qui sont en région parisienne peuvent faire le déplacement, pour les autres voici une petite vidéo de l’esplanade comme si vous y étiez !

* L'Enfer, 8ème cercle, Les trompeurs, Chants XVIII-XXX.





lundi 12 mars 2007

Mr Aouidni Salem a bien été victime d’actes de torture




Ici le contenu alternatif ()




e 24 du mois dernier, j’ai relaté l’agression dont a été victime Aouidni Salem, un jeune trentenaire tunisien, dans des troublantes circonstances. La victime, qui avait été admise, deux jours au par-avant, aux urgences du CHU de Sfax après y avoir été déposée par deux policiers, soufrait alors de graves blessures et de profondes lésions internes qui avaient nécessité une colostomie. Une intervention lourde qui laissait déjà les médecins inquiets quant aux éventuelles complications.

Aux dernières nouvelles et après un entretien téléphonique que j’ai eu avec le membre de l’équipe médicale qui m’avait, au départ relaté ces faits, la santé du patient s’est considérablement dégradée depuis l’opération. Des problèmes sérieux se sont depuis déclarés qui ont nécessité une reconsidération des possibilités de guérison du patient. Aux risques d’infection très élevés dans ce type d’opérations, se sont additionnées des insuffisances dans la purification du sang, engendrées par les traumatismes internes. Un système de drainage sanguin à même été mis en place pour palier à cette insuffisance. Une opération très éprouvante pour le patient qui subit déjà des effets postopératoires particulièrement contraignants.

Aouidni Salem n’est pourtant pas au bout de ses peines. Depuis la semaine dernière, la direction de l’hôpital exerce des pressions sur lui pour qu’il quitte l’établissement, même si son état de santé ne lui permet pas encore de rentrer chez lui. Ni les demandes incessantes des membres de sa famille, ni les objections soulevées par certains médecins, ne semblent dissuader les responsables de l’hôpital. Un retournement spectaculaire de situation qui, toujours selon mon interlocuteur, est du aux pressions faites par la police et les membres de la famille du policier impliqué dans cette affaire ! Ce qui ne laisse aucun doute sur la responsabilité de la police dans ce qui arrive à cette malheureuse victime.

En effets, depuis son admission, la victime n’a eu de cesse de désigner la police comme étant responsable de ses blessures. Le personnel médical partageait également la même conviction. Le chef de service, le professeur Ben Amor s’était même engagé à faire un rapport dans ce sens à ses supérieurs et à témoigner pour la victime le cas échéant. Aussi, dans les jours qui ont suivi la révélation de cette affaire et selon le témoignage d’une personne travaillant à l’accueil de l’hôpital, plusieurs membres d’ONG tunisiennes (pas plus de précision sur les noms de ces organisations) ont fait le déplacement au chevet du patient lui promettant leurs aides. Les soutiens du personnel médical et des associations de défense des droits de l’homme ont eu pour effets d’encourager la victime à envisager de porter plainte contre la police.

La réaction de la police ne s’est pas faite attendre. Deux membres de la famille du policier, présumé responsable de cette agression, ont rendu visite à la victime pour la menacer ouvertement de représailles si elle s’obstinerait à vouloir porter plainte. Ces individus, dont un serait le frère du policier, ont également menacé le personnel médical ainsi que la direction de l’hôpital. Toujours selon mon interlocuteur, des responsables de la police locale ont contacté la direction pour qu’ils renvoient illico presto le patient encombrant arguant des troubles à l’ordre publique que son maintient au sein de l’établissement pourrait engendrer.

Des agissements qui, comme chacun peut le comprendre, ont eu un effet négatif sur l’état physique et psychologique du patient qui vie depuis dans une peur permanente des représailles de la police mais aussi de se retrouver abandonner à lui-même. Les pressions conjuguées de la police et des membres de la famille ont donc porté leurs fruits. La direction de l’hôpital a fait savoir à Mr Aouidni qu’il n’était plus la bienvenue et qu’il lui fallait trouver un autre endroit pour se soigner ! Le professeur Ben Amor, qui était pourtant très affecté par ce qui est arrivé à son patient, ne veut plus en entendre parler, revenant du coup sur ses promesses d’apporter son témoignage à la victime.

Le cauchemar que Mr Aouidni vie depuis maintenant une quinzaine de jours n’est donc pas prêt de s’arrêter. Maintenant qu’il ne persiste plus aucun doute sur le caractère criminel et intentionnel des actes qu’il a subi, il risque les représailles de ses bourreaux mais aussi d’être privé de soin par l’hôpital dont les responsables agissent aux mépris de l’éthique de leur profession. Les derniers développements nous font également poser des questions sur le silence des ONG tunisiennes qui se sont déplacées sur place. Connaissant, et à juste titre, leurs actions bien médiatisées pour les droits des militants et des prisonniers politiques, nous ne pouvons que relever leur silence assourdissant s’agissant du cas de Mr Aouidni.

mardi 6 mars 2007

7/7 Sur Tunis7

Le Zapping officiel de la télévision tunisienne





a télévision tunisienne vous saoule ? Elle vous donne envie de crier ? De commettre des actes de vandalismes ? De repeindre votre salon aux couleurs du 7 novembre ? De jeter le tailleur couleur bleu turquoise que votre femme garde même si elle ne rentre plus dedans ?

Ne vous inquiétez pas vous êtes parfaitement normal !

Selon des études scientifiques sérieuses, une forte exposition aux programmes de Tunis7 provoquerait des comportements dépressifs, des délires obsessionnels, une très forte allergie à certaines couleurs telles que : le fuchsia, le turquoise, le jaune canaris…et une accoutumance inexpliquée à la couleur violette et aux compliments et superlatifs de tous genres !

Conscient de la gravité de ce problème de santé publique et du désamour croissant entre les tunisiens et leur télé nationale, nous avons tout mis en œuvre pour y remédier. Pour cela, nous avons fait appel à une nouvelle technologie. Des puissants logiciels, derniers nés des laboratoires Nice systems, scrutent Tunis7, sept jours sur sept pour vous en livrer le meilleur.

Le résultat ? C’est 7/7 sur Tunis7, le Zapping officiel de la télévision tunisienne. Sept minutes et sept secondes de pur bonheur. Les plaisirs de Tunis7 sans les inconvénients, en quelques sortes. Alors profitez en bien en attendant, peut être, le jour où on pourra regarder la télé sans effets secondaires.

Observation : La présence massive du chiffre sept est totalement fortuite et ne correspond à aucune réalité connue.

lundi 5 mars 2007

Le Director : Lars Van Trier se met à nous faire rire !

pres la poignante histoire d’amour d’Emily Watson dans Breaking the waves et la montée au martyre de Björk dans Dancer in the Dark ; Après le dépouillement déconcertant et branchouillard de Nicole Kidman dans Dogville, ce qu’on pouvait attendre le moins de Lars Van Trier c’est bien une comédie. Faux ! Le Direktor, dernier film du réalisateur danois est un pur moment de comédie. Et quelle comédie ! Une vraie !

Toute à la fois léger et profond, insolent et moralisateur, le film et par sa modernité et son universalité une perle du cinéma comique. Le réalisateur nous avertit des les premières secondes du film, comme pour rassurer ironiquement ceux qui ne sont pas la pour réfléchir, qu’il ne nous « demandera pas plus qu’un instant de réflexion » ! Quelle insolence ! Nous voilà d’emblé rassurés qu’il ne nous fera pas de cadeaux.

On est au Danemark mais on aurait pu être ailleurs tant la mesquinerie, les coups tordus, les équivoque et les quiproquos sont d’un banal universel. Les faits se déroulent dans une petite boite informatique qui se trouve sur le point d’être vendue. Le patron de l’entreprise, un faux jeton sympathique, qui, pour faire passer toutes les décisions qui risquaient d’être impopulaires, a inventé un mystérieux Direktor, le «directeur de tout » qui, bien évidement, puissant comme il est, vie à New York et n’a donc jamais le temps de venir voir ses employés. Le stratagème marchait à merveille jusqu’au jour où, justement, pour pouvoir vendre son entreprise à un islandais coléreux et refusant de traiter avec un subalterne, le patron se trouve obligé d’embaucher un acteur pour incarner le tant attendu « directeur de tout ».

L’acteur, incarné par l’excellent Jens Albinus, déjà époustouflant dans The idiots (un autre incontournable de Van Trier) est un acteur un peu raté dont le seul rôle été celui d’un ramoneur dans une pièce d’un certain Gambini, inconnu « grand metteur en scène italien », devenu depuis sa référence et son maître à penser. Hésitant au départ, le faux directeur découvre, petit à petit, la servilité des uns et la détestation des autres et finit par prendre goût à son personnage. Et delà part un film espiègle et vrai, touchant au plus profond de la nature humaine. Les acteurs sont formidables par leur naturel et leur proximité et Lars Van Trier, en s’amusant, à donner de l’air à son « dogme » gravé dans le marbre en dix point en 1995.

Mais le réalisateur danois reste résolument dans la modernité en utilisant un procédé de prise de vues qui fait appel à un ordinateur par lequel il arrive à obtenir des sortes de sauts d’images qui donne une impression quasi subliminale de mouvement et injecte à cette banalité un coté surréaliste. Lars Van Trier pousse le vice jusqu'à avouer au journalistes qu’il avait trouvé sur un camion de fruits et légumes le nom de ce Gambini, présent jusqu'à à la fin de ce film ! Tout était donc bon pour nous mener en bateau et on en redemande.

Un film à voir en toute urgence.

samedi 3 mars 2007

L'armée tunisienne fait sa pub !

epuis que, ce qu’on appelle pudiquement, « les événements » qui ont secoué la Tunisie au début de cette année 2007, une autre inquiétude gagne les foyers tunisiens : les rafles pour le service militaire. Des milliers de jeunes ont déserté les terrasses des cafés et guettent la « Baga » comme la souris guetterait les faits et gestes du gros matou. Ces rafles qui inquiètent les mamans et terrorisent leurs progénitures ce sont même, paraît-il, intensifiées ces derniers temps. Ce procédé est d’autant plus traumatisant pour la population qu’il est d’une part dégradant pour les milliers de jeunes qui se font quasiment enlever laissant, des fois, leurs familles plusieurs jours sans nouvelles, mais également injuste puisque généralement se sont les classes populaires et les « sans épaules » qui payent le plus gros tribut à cette « institution ».

Mais pour cette compagne de mobilisation, l’état ne semble pas vouloir se contenter de remplir les casernes. Il accompagne « l’action » sur le terrain par une compagne de sensibilisation qui inonde depuis des semaines la télé nationale. Une série de mini-films d’une quarantaine de secondes qui tentent de répondre aux inquiétudes des familles et aux futurs « obligés ». C’est d’autant plus surprenant que les thématiques semblent bien étudiées, chaque film traitant d’un sujet différent. Mais dans tous les cas il y a une volonté de donner une autre image de l’armée et du service militaire. J’en ai choisi deux en exemple.

Le premier aborde la question des conditions de cet engagement. Il présente une famille tunisienne de la classe moyenne qui voit l’ainé des garçons partir accomplir son service. Faces aux inquiétudes de la maman, le père et plus tard dans le film deux autres appelés donneront les réponses. Le film tente donc de ressuer les familles surtout celles qui d’habitude s’arrangent pour éviter cette aventure à leurs enfants. Le film montre des visages souriants, une caserne exemplaire et des jeunes appelés heureux et fiers. Enfin de compte la maman est rassurer et son enfants peut l’esprit tranquille, continuer à faire son « devoir sacré ».



Le deuxième opus aborde la question d’une manière qui est à ma connaissance inédite dans notre pays. Pour la première fois on associe le devoir du service militaire à l’utilité que cela peut comporter. Le service militaire n’est plus seulement « un devoir sacré » mais également « un devoir utile » selon le slogan de cette compagne. Le film met l’accent sur la formation et la réinsertion professionnelle. La cible est visiblement les dizaines de milliers de chômeurs non qualifiés qui pourraient par ce biais retrouver le chemin de l’emploi ou du moins acquérir une compétence qui lui sera utile dans son parcours professionnels.





Sur le principe cette nouvelle approche est à mon avis intéressante. Mais pour qu’elle soit convaincante pour les tunisiens faut-il qu’elle s’accompagne d’une reconsidération de ces pratiques indignes qui sont les rafles. Le service militaire comme un moyen de cohésion sociale et d’encadrement des jeunes en difficulté est une chose souhaitable et même bénéfique pour la société. Un rite initiatique pour des centaines de milliers de jeunes en perte de repères, déboussolés par le chômage, le manque de qualification, où simplement, pour une certaine jeunesse dorée, inconscients de la diversité de la société tunisienne ou les écarts se creuse entre les différentes couches de la population.

Mais peut-on encore concevoir l’armée et donc le service militaire selon une optique purement nationaliste ? Il est clair que cela ne fera que nous faire prendre une voie sans issus comme celle déjà emprunté, jadis, par les défenseurs de l’idée de l’Etat-Nation. Une armée moderne ne peut être aujourd’hui qu’une armée de valeur et de principes. Une armée au service de la volonté du peuple et garante de ses institutions. C’est qu’en étant le squelette qui fait tenir une certaine idée du « vivre ensemble », qu’en devenant, effectivement, une armée républicaine, qu’elle pourra enfin jouer un rôle positif dans notre société. Faire son service militaire serait en quelques sortes la traduction par les actes de l’adhésion au « pacte républicain ».

Malheureusement dans l’état actuel des institutions, l’armée se retrouve avec rien à offrir, en échange de cet engagement volontaire ou forcé, à part ce qui peut être fait par une véritable politique de l’emploi et une promotion effective du tissu associatif et de l’engagement citoyen. A défaut de pouvoir rassembler autours de valeurs communes, l’armée tunisienne se retrouve encore une fois contrainte de jouer un rôle qui n’est pas le sien.

jeudi 1 mars 2007

La corruption et la douane tunisienne sur Tunis7 !

Extrait de l'émission "Bikol oudhouh", Tunis 7, 1ère diffusion le 22 Fevrier 2007.


’émission « bikoll oudhouh » (en toute clarté), sur la télévision publique tunisienne, Tunis7, est l’une de ces nouvelles émissions qui s’essayent à la fameuse ouverture médiatique, que tout le monde semble constater et saluer depuis quelques temps. Le thème de l’émission était « la douane et l’entreprise en Tunisie ». L’invité de l’émission était le colonel Lotfi El Ayedi, directeur à la direction centrale des douanes. L’extrait que j’ai choisi aborde la question épineuse de la corruption au sein de la douane tunisienne.

Le ton est certes nouveau et les sujets traités audacieux mais si le présentateur semble vouloir poser les bonnes questions, il ne pousse pas l’audace jusqu’à réclamer les bonnes réponses, surtout si l’invité fait partie d’un pilier du système. Malgré cela, le haut responsable était presque sympathique et les efforts qu’il a employé pour redorer l’image de la douane, presque louables. Le journaliste a également tenté de faire son travail au mieux, posant des questions délicates et relançant son inviter quand ce dernier essayait de se dérober. Cela ne marchait pas à tous les coups mais l’intention, me semble-t-il, y était. On peut même percevoir un moment de flottement (02 :00) quand le journaliste sort ses propres chiffres sur le nombre élevé des réunions du conseil de discipline qui excluraient, selon lui, 1 douanier par mois.

Mais malgré ces tentatives le présentateur n’a pas pu amener le douanier à dire autre chose que ce qu’il était venu dire. A savoir que la corruption existe partout et que la douane met tout en œuvre pour traquer et éliminer les « âmes faibles » qui succombent à la tentation et les « saboteurs » et les « criminels » qui les pervertissent. Pour littéralement clouer le bec du journaliste en déclarant quasi-religieusement que « la Tunisie était un état de droit » et que par conséquence « personne ne pourrait se voir demander de contre partie pour obtenir un droit ». Nous voilà rassurer ? Pas tout à fait !

Ceci aurait pu être le cas dans un vrai état de droit ou bien évidement la corruption existerait mais d’une manière résiduelle et entre deux parties intéressées et où les recours possibles sont effectifs et efficaces. De même que l’analyse du colonel El Ayedi, quand il aborde la question de la responsabilité du citoyen dans la question de la corruption est, d’une certaine manière, pas totalement fausse, puisque celle-ci est aussi à rappeler et à condamner. Mais ce que ce responsable feint d’oublier, c’est que dans certains domaines et plus spécialement le sien, le Droit n’à plus droit de citer en Tunisie.

Car le problème principal de la douane tunisienne et dont tous les autres travers découlent, est avant tout, l’impunité dont certains jouissent face à la douane en particulier mais plus généralement face à l’autorité de l’état. Au-delà des petits trafics qui permettent, dans la majorité des cas, à ceux qui les pratiquent de survivre, le plus gros de l’économie souterraine est alimenté par des filières quasi-institutionnelles qui profitent de passe-droits couverts par les autorités elles-mêmes. Pour les trafics qui génèrent le plus de manque à gagner aux caisses de l’état, les commanditaires et les principaux bénéficiaires jouissent de complicités aux plus hauts niveaux du pouvoir. Des personnes qui ne peuvent pas être inquiétées par les conseils de disciplines, même si ces derniers siégeaient quotidiennement. Toutes les mesures que le colonel EL Ayedi avance, ne servent, en fait, qu’à réprimer les conséquences de faits plus graves qui, eux, restent impunis.

Un simple douanier qui surveille un entrepôt sous douane n’a pratiquement aucune chance de faire quoi que ce soit de cette responsabilité. Le poids de la hiérarchie ne lui donne aucun pouvoir réel, ni directement sur la marchandise qu’il surveille, ni sur ses supérieurs qui en quelque sorte ne lui doivent rien. Ce douanier n’a donc pratiquement aucune chance d’étendre son réseau d’influence au sein de la douane et par conséquence d’attirer des corrupteurs potentiels. Même s’il arrive à le faire le préjudice ne sera pas important et certaines mesures de contrôles peuvent facilement le démasquer et le sanctionner.

Prenant maintenant l’exemple inverse : Un colonel de la douane, ou un quelconque haut gradé qui se lie d’affaire avec un membre proche du pouvoir ou une personne influente d’une manière ou d’une autre. Cette alliance peut être entre deux personnes intéressées mais aussi le résultat de pressions d’ordre hiérarchique qui ne donneraient pas trop le choix à cet officier. Cependant le résultat reste le même. Pour mettre en application les termes de l’accord convenu avec « le commanditaire », le colonel a besoin de complicités au sein de l’administration mais aussi sur le terrain. Il choisit parmi ses subordonnés une personne de confiance et lui confie la tache. Cette personne trouvera à son tour quelqu’un d’autre pour se rapprocher encore plus du terrain. Et c’est ainsi, par un effet domino, toute une ligne verticale de responsables plus ou moins importants est ainsi corrompue par l’effet d’une seule personne. D’ailleurs les tarifs pratiqués pour telle ou telle prestation intègrent la rémunération de toute la chaîne.

Bien évidemment l’existence de ces pratiques ne reste pas inaperçue par les « autres » douaniers qui ne « profitent » pas de cette manne financière. Pour les plus malhonnêtes ou les plus « faibles », d’entre eux cela encourage et justifie en quelque sorte leurs petites combines personnelles qui s’ajoutent ainsi aux trafics les plus organisés. C’est un cercle infernal ou chacun justifie son action par celle de son collègue ou de son supérieur. Des supérieurs qui ne peuvent plus avoir de réel pouvoir de contrôle et de sanction étant eux-mêmes impliqués.

Concernant l’envolée lyrique de l’invité de cette émission, sur le thème de « l’état de droit », elle est certes touchante mais n’apporte aucune réponse au problème. Car encore une fois ceux qui pratiquent des trafics organisés, corrompent pour augmenter leur profits et couvrir leurs actions illégales, ceux la n’on aucun problème à payer ce qu’ils ont à payer et l’intègrent dans leurs « prix de revient », si j’ose dire. Ils ne sont en aucun cas les victimes de ce système mais les principaux bénéficières. Ils n’ont théoriquement aucune raison de dénoncer ces pratiques et n’ont donc rien à faire avec le droit. Les recours énumérés par le colonel ne leur serviraient absolument à rien.

Pour les autres, véritables victimes de ce système, la question est beaucoup plus délicate. Car en générale la pression exercé par le douaniers et plus sournoise sur le commun des mortels puisqu’elle ne consiste pas à lui denier un droit mais à lui faire comprendre que s’il veut l’obtenir plus vite et sans complication il aurait intérêt à « récompenser » le douanier. Le douanier se présente ainsi comme une aide précieuse pour l’usager confronté aux lenteurs de la machine administrative. Ce qu’on paye c’est donc l’obtention, dans des délais raisonnables, d’un droit. Pour le petit chef d’entreprise ou le petit commerçant qui a des clients à satisfaire, le facteur temps est primordial. Cet usagé peut parfaitement refuser de payer et aller se peindre aux autorités compétentes, mais il perdra encore plus de temps et donc d’argent. Il se retrouve ainsi obligé de recourir à ces pratiques pour ne pas être pénalisés. Bien évidement Cela n’excuse en rien ces comportements, mais il faut être d’une mauvaise foi sans mesure pour leur faire porter aux simples usagés la responsabilité du fléau de la corruption en Tunisie.

Voila comment en couvrant des pratiques douteuses aux plus hauts sommets du pouvoir on contamine toute une société et on discrédite toute une institution. Beaucoup de douaniers tunisiens vivent ces passe-droits comme une insulte à leur travail et aux valeurs de l’institution qu’ils servent. Des jeunes officiers déçus du décalage entre les cours de droit à l’école des officiers et la réalité de leur travail mais également des anciens qui ne reconnaissent plus l’institution qu’ils ont contribué à mettre en place. Ces douaniers intègres tentent malgré ces dérives de servir au mieux les intérêts de leur institution. Peut être que l’invité de cette émission fait partie de ceux qui pensent encore aux intérêts du pays, je n’ai pas à en douter, mais toutes les actions et toutes les mesures qu’il a énuméré pendant cette émission ne serviront à rien tant que les plus grands « saboteurs » et corrupteurs continuent d’agir impunément sous la bienveillance intéressées des plus hauts responsables de l’état.