lundi 13 août 2007

La Cnil envisage le recensement ethnique en France


Pour la première fois depuis sa création en 1978, la CNIL, présidée par Alex Türk, sénateur du Nord, organise des auditions ouvertes à la presse sur le thème de la mesure de la diversité les 18 et 25 janvier 2007. Extraits de l'intervention de Azouz Begag alors ministre de la promotion de l'égalité des chances. Public Sénat - janvier 2007.



radition républicaine oblige, la question de la prise en compte par les statistiques de critères ethniques ou religieux, a longtemps été une question taboue en France. Pourtant, après une année de consultation la Cnil, avec beaucoup de prudence, semble prête à autoriser la mise en place de nouveaux outils de recensement et cela au nom de la lutte contre la discrimination.

En effet, la loi Informatique et libertés de 1978, amendée en 2004 et dont le respect est assuré par la Cnil, entérine une règle républicaine qui interdisait jusqu’alors le recensement de la population en fonction de l’origine, la religion ou encore la couleur de peau. Le recensement national, ainsi, ne prend pas en compte ces critères, contrairement par exemple à la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. Toutes fois, plusieurs associations et des chercheurs réclament un changement culturel arguant de l’utilité d’un tel outil dans la lutte contre les discriminations, notamment les discriminations à l’embauche véritable problème de société en France.

Le socio-démographe Patrick Simon, à l’initiative d’une étude visant précisément à connaître le ressenti lié à l’origine chez des personnes de la deuxième génération d’immigrés issus du Maroc et de Turquie, et cosignataire avec martin clément, d’un document de travaille sur « la mesure de la diversité », réclame depuis longtemps le droit à inclure dans les statistiques des questions sur la couleur de la peau, le pays d’origine des parents, ou encore la religion, créant ainsi un précédent important. Pour lui, ces outils sont nécessaires pour distinguer avec acuité les discriminations dont font l’objet les Noirs, les Arabes ou encore les musulmans dans l’Hexagone, là où l’on ne prenait jusque là en compte que des critères comme le lieu de naissance.

La Cnil se prononce depuis peu en faveur d’une modification la loi Informatique et libertés reconnaissant la nécessité de doter la lutte contre les discriminations d’outils supplémentaires mais tout en conservant une certaine prudence en traitant les demandes au cas par cas. La preuve : l’avis défavorable formulé dans ses recommandations concernant une demande de la Sofres. Mandatée par le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) pour prendre le pouls de la communauté juive sur l’actualité, l’institut de sondage avait sollicité la possibilité de baser son échantillon sur les noms à consonance juive qu’il aurait relevés dans l’annuaire téléphonique.

Pour mieux comprendre les enjeux de ce sujet extrêmement sensible, surtout pour un pays qui fait de l’égalité des chances une des pierres angulaire de son model républicain, je vous propose en complément, une vidéo d’extraits de l’audition par la Cnil de Azzouz Begag, l’ancien ministre de la promotion de l’égalité des chances. Une intervention remarquable par son manque total de langue de bois. En réponse à Nicols Sarkozy qui prône la discrimination positive, Azouz Begag détaille sa proposition d’une évolution culturelle basé sur la sociologie du regard ou comment rendre le manque de diversité, remarquable et par conséquences dérangeant.


mercredi 8 août 2007

Spock, le moteur de recherche qui vous connaît...trop bien !



Capture d’écran du résultat de recherche pour Ben Ali !


our Jaideep Singh, votre vie privée vaut de l’or. C’est pour cette raison qu’il a eu la brillante idée d’en faire le fond de commerce de Spock, une start-up basée à Redwood en Californie, dont il est le fondateur et le président. En effet Spock.com est un moteur de recherche spécialisé dans l’indexation et la mise à disposition des internautes de renseignements personnels sur des millions d’individus dans le monde.

Initialement prévue en septembre, le moteur de recherche, a été finalement lancé hier, 8 aout, en mettant en ligne dans un premier temps des informations personnelles portant sur 100 millions d’individu dont 75% d’américains. Mais ce n’est qu’un début puisqu’à terme Spock ambitionne "d'indexer chaque personne dans le monde" en piochant dans les sites Internet et en agrégeant ces données personnelles. La société qui emploie une trentaine de personnes au Etats-Unis et en Inde à été crée il y a moins d’un an grâce à une levée de fond de 7 millions de dollars. A terme, le moteur de recherche sera financé par la publicité selon le même model économique des autres moteurs tel que Google.

Pour les fondateurs de cette entreprise le constat est simple : un tiers des recherches effectuées sur Internet concernent des personnes. Mais, alors que les leaders actuels de la recherche sur Internet se contentent d’afficher les sites Internet où le nom recherché a été cité, Spock propose d’aller au-delà en piochant dans tous les sites les données personnelles de l’individu et en les agrégeant entre elles pour fournir une fiche personnelle avec photos, données personnelles mais aussi des photos et des noms en relation avec la personne recherchée. Inversement, si la requête porte sur un nom de familles, une entreprise ou un parti politique par exemple, les algorithmes fournissent alors une liste de noms associés à cette requête. Autre nouveauté proposée par ce site : la recherche à partir d’une liste de contact en puisant dans tous les sites où l’internaute à volontairement fourni des informations personnelles le concernant. Par exemple le site est ainsi capable de dénicher parmi vos contacts un informaticien, célibataire, parlant le Farsi !

Le fait que ces informations soient détournées de leurs vocations initiales, ne semble pas inquiéter les fondateurs du site. Ceux-ci soulignent que les utilisateurs participent eux-mêmes à l’élaboration de ce vaste annuaire. La méthode d’indexation automatique ne permet pas d’interpréter toutes les données que le site récolte, ainsi, les utilisateurs sont invités à corriger les erreurs du site ! Les personnes indexées de force peuvent toujours demander que le contenu les concernant soit retiré du site. Mais cela reste insuffisant aux yeux des associations de défense des droits des utilisateurs en ligne comme l’Electronic Frontier Foundation qui estime que les internautes peuvent se sentir attaqués en voyant les informations les concernant agrégées de cette manière surtout s’il n’ont pas choisi de la faire par eux même. Pourtant juridiquement et selon la loi américaine, le moteur de recherche ne peut être tenu responsable de leurs contenus. Un parapluie juridique qui semble parfaitement convenir aux fondateurs de Spock, qui ne semblent pas vouloir s’appesantir sur les questions d’éthique que soulève un tel projet.

Qualifié par PC World comme l'un des "25 web sites to watch", la réussite de ce site est quasi assurée. Surtout que selon le cabinet Veronis Suhler Stevenson (VSS), Le budget global de la publicité en ligne dépassera celui de la presse écrite aux Etats-Unis d'ici quatre ans. Une estimation qui reflète le rythme de croissance des dépenses publicitaires sur l'Internet aux Etats-Unis, mais aussi en France où la tendance est largement similaire. Une aubaine pour ce site entièrement financé par la publicité. Mais les dirigeants de cette entreprise sont conscients qu’ils ne peuvent pas profiter éternellement des failles de la législation américaine surtout que les grands noms de l’Internet viennent d’annoncer des mesures destinées à mieux préserver la vie privée de leurs utilisateurs.

Avec la prolifération des traceurs qui mémorisent les habitudes de navigation sur internet, les logiciels espions qui collectent les informations confidentielles des utilisateurs et les logiciels de filtrage des contenus, il est évident que l’enjeu majeur des prochaines années sera celui de savoir comment mettre des garde-fous efficaces à ces nouvelles technologies pour que la toile ne se transforme pas en un immense marché des données personnelles de plus est dans les mains d’intérêts privés. Une perspective peu rassurante surtout que l’utilisation de l’Internet est de plus en plus indispensable à des millions de personnes dans le monde.



mardi 7 août 2007

De la république de Carthage au "changement" du 7 novembre 1987

Ou quand la télé tunisienne découvre qu’il y avait une vie avant Ben Ali !



Extrait documentaire « De la constitution de Carthage à la république de demain » - Réalisation : Mohamed El Ghoghben - Texte :Abdelkader Ben Hadj Nasser - Tunis7 - 2007



ans le cadre des festivités de la commémoration du 50ème anniversaire de la proclamation de la république tunisienne, la télévision nationale, Tunis7, nous a, entre autres, gratifié d’un documentaire de 58 minutes retraçant l’histoire glorieuse de notre chère république, de la première constitution carthaginoise à la très conceptuelle « Tunisie de demain », qui n’est en fait, selon ce documentaire, rien d’autre, que la Tunisie d’aujourd’hui mais avec encore plus « d’acquis » et de « changements » et évidement avec la même constante, de 20 ans maintenant : le président Ben Ali. On a déjà hâte d’y être !

Le style est toujours aussi barbant et le texte qui accompagne ce documentaire est d’une rhétorique toujours aussi anachronique, mais la grande nouveauté cette année, c’est la place que les gardiens de la propagande ont voulu accorder à tout ce qui a existé avant le fameux « changement » du 7 novembre. Généralement expédiés en 10 minutes, les centaines d’années d’histoire qui précédent l’heureux avènement ont, cette année, eu droit à pas moins de 25 minutes sur les 58 que compte ce documentaire. Alors ont découvre stupéfait qu’il y avait une vie avant le 7 novembre. Il était temps ! Surtout que depuis presque 20 ans qu’on nous dise le contraire, beaucoup ont fini par le croire.

Ne voulant pas vous faire perdre votre temps mais aussi vous faire vivre ce que j’ai vécu en visionnant le documentaire dans sa totalité, je vous propose donc un extrait des 27 premières minutes qui traitent de l’avant 7 novembre et plus spécialement du mouvement de libération nationale et les 31 années du règne du feu Bourguiba. Je tiens tous de même à dire à tous les férus d’histoires, qu’il ne faille pas s’attendre à une précision académique. L’histoire ainsi présentée est comme d’habitude en Tunisie, diluée, débarrassée de tout ce qui peut paraître subversif ou qui pourrait, sait-on jamais, donner des idées à certains.

Mais cette partie du documentaire n’est pas pour autant dépourvue d’intérêt. Au-delà d’une séquence d’archive assez rare et très émouvante qui témoigne de la séance extraordinaire du parlement tunisien proclamant l’abolition de la monarchie et l’instauration de la république, beaucoup d’images sont intéressantes, avec une valeur historique certaine bien que gâchées par un texte insipide, qui ne faisait que préparer la deuxième partie celle de « la délivrance » ou comme dans les séries américaines : tout fini par rentrer dans l’ordre ! Merci à qui ?

J’espère donc qu’on ne m’en vaudra pas trop pour le choix d’amputer ce documentaire de la partie qui traite des « acquis du 7 novembre » et de toutes les merveilles qui nous attendent au sein de la « république de demain ». Surtout que les acquis, nous les vivons tous les jours et « la république de demain », nous y avons déjà adhéré, si on se fie à ce qui est écrit sur toutes les banderoles qui ont enlaidi les rues de la Tunisie, en ce 25 juillet 2007, 50ème anniversaire de la proclamation de la république Tunisienne.