mercredi 21 mai 2008

Tunisie : La e-gouvernance ne séduit pas ceux qui gouvernent


ans le cadre d’un programme de développement du projet e-gouvernance en Tunisie, qui vise à améliorer l’accès aux tunisiens aux services administratifs en ligne, la Banque Mondiale, a commandé à un cabinet d’audit français une étude sur « l’état de la e-gouvernance en Tunisie ». Un état des lieux qui s’impose alors que la Tunisie venait d’être classée 124ème - entre le Surinam et le Swaziland - dans dernier rapport de l’ONU sur la e-gouvenance dans le monde. Les résultats, accablants, de cette étude françaises ont été présentés le jeudi 15 mai, devant un parterre de hauts fonctionnaires des administrations concernées et en présence de Zouheir Mdhaffar ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Fonction publique et du Développement administratif a raporté le site internet AfricanManager.com







Gestion complexe et inadaptée du dossier e-gouv, manque d’attractivité des services, difficultés pour y accéder, manque de formation et de conviction aux seins des administrations, débit très faible, ont été les principaux points soulevés par la présentation du dit rapport. Le cabinet conseil pointera surtout l’accès à l’Internet haut-débit dont il dit qu’il «n’est pas suffisamment accessible, n’est pas disponible en terme de pouvoir d’achat, à cause du manque de concurrence». Plus généralement les experts pensent que « le coût des télécommunications reste élevé en Tunisie » alors que le développement de l’administration électronique nécessite un débit plus fort, plus disponible et à faible coût ! Avant de conclure conciliants : «la Tunisie est allée [en matière d’Administration électronique] au bout de ce qu’elle pouvait faire, sans aller au bout du chemin».Voilà qui nécessite sûrement une autre étude qui nous expliquera comment aller « au bout du chemin ».

Le ministre délégué, M Zouheir Mdhaffar, a quand à lui commencé par contester le classement en précisant que « sur certains aspects, le diagnostic n’était pas réel » et en prétendant que ce classement a été corrigé et donne désormais la 106ème place à la Tunisie. Une correction qui n’apparaît pourtant pas encore dans le rapport disponible en ligne (voir l’extrait du classement plus haut). Peu importe pour le délégué ce classement « ne traduit pas la volonté qui existe en Tunisie, d’améliorer les choses ». M Mdhaffar confond sûrement politique et religion si non il saurait qu’en politique les bonnes intentions ne sont pas comptabilisées en tant que bonnes actions.

Mais après ce moment de mauvaise foi obligatoire, le ministre délégué se voulais, parait-il, plus sincère. Devant les caciques de cette administration, il a fait amende honorable en reconnaissant que les « services en lignes ne sont pas performants et l’accès du citoyen y est limité » […] ils ne sont même pas utilisés par les usagers même de l’administration », déplore-t-il. « Il n’y a pas de formation au sein des différents ministères ».a t-il ajouté. Il a également exhorté les fonctionnaires à se mobiliser pour « ne pas se laisser dépasser par les autres », en rappelant qu’un budget de 5 MDT, alloué a ce programme, reste mal ou pas utilisé. Sur ces 5MDT qui dorment selon lui en attendant qu’on les utilise, notre naïf ministre délégué continu de confondre intentions ostentatoirement affichées et réalité politique du pays.

Sûrement pour justifier son post, M Zouheir Mdhaffar terminera son constat, pourtant accablant, en parlant de l’ambition de la Tunisie de se doter d’une administration sans papier « la seule voie » selon lui « pour éradiquer tous les maux de l’administration et pour éviter le va et vient du citoyen à l’administration.». une ambition louable qui toujours selon ses affirmations « contribuera aussi, à réduire le coût des prestations administratives et qui représentent actuellement 13 % du PNB. ». Mais comme toujours en Tunisie ou rien n’est jamais la faute du législateur puisque «nous avons le cadre juridique qu’il faut » se sont naturellement « l’infrastructure et la pratique de l’administration, [qui] ne suivent pas». Le législateur appréciera sûrement tant reconnaissance. L’administré, lui, attend plutôt que « l’infrastructure et la pratique de l’administration » suivent !

Et cela ne risque pas de produire de si tôt au regard de ce qu’en pense l’administration à travers les réactions de ses éminents représentants raportées par le site Internet. Un ancien responsable d’un centre informatique aurait même fait l’apologie de l’ancien système et un autre celui du système d’archivage papier qui existe en Tunisie et demandera qu’on l’introduise dans ce nouveau système d’administration électronique. Ou « pourquoi faire du neuf quand on peut faire ce qu’on a toujours fait ? ». D’où le commentaire assassin d’un des présent : «on les comprend lorsqu’on voit la moyenne d’âge des personnes chargées de la coordination du e-gouv au seins des ministères». Voilà qui n’aidera sûrement pas « la pratique » à suivre !

Malek
Publié sur www.nawaat.org


dimanche 18 mai 2008

Tunisie : Imed et Moaz Trabelsi mis en examen par un magistrat tunisien




écidément, notre si vénéré président, grand ami de Sarkozy, a bien des soucis à se faire avec sa famille. Plus précisément avec celle de sa femme, Leïla Trabelsi. Le dernier en date vient d’être révélé dans une dépêche de l’AFP annonçant la mise en examen, vendredi 16 mai, par un magistrat tunisien des deux neveux par alliance du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, dans le cadre de l'enquête sur le vol du yacht du banquier Bruno Roger à Bonifacio en 2006.

Il a fallu toute l’obstination de M Jean-Bastien Risson, juge d'instruction du tribunal d'Ajaccio, qui s’est rendu à Tunis jeudi, pour que la justice tunisienne se résigne enfin à accepter de mettre en examen Imed et Moaz Trabelsi pour « complicité de vol en bande organisée ». En effet, le juge français attendait l’exécution d’une commission rogatoire internationale délivrée aux autorités tunisiennes depuis le début de l’année 2008. Le sujet était depuis le début de l’affaire motif de tension diplomatique entre les deux pays. Chose que le procureur de la République d'Ajaccio, José Thorel, également du déplacement, dément. « S'il y avait eu des différends diplomatiques, la commission rogatoire n'aurait pas été exécutée par le juge d'instruction tunisien et nous n'aurions pas assisté aux auditions ainsi qu'aux perquisitions », a-t-il déclaré à l’AFP. Six autres personnes ont été également entendues par la justice tunisienne en tant que témoins dans cette affaire et les frères Trabelsi devraient même « répondre prochainement à une convocation de la justice française », toujours selon le procureur.

C’est un changement de position radical qu’opèrent ici les autorités tunisiennes qui tout en confirmant « que le bateau est bien entré en infraction en Tunisie », continue à démentir « toute implication de la famille présidentielle », comme le déclarait l’ambassadeur de Tunisie en France au canard enchaîné au moment du dernier vol. Les frères Trabelsi étaient pourtant soupçonnés d'être les commanditaires du vol en France de trois yachts et avaient été mis en cause par les convoyeurs du yacht de M. Roger, lors de leur interrogatoire en 2006 à Ajaccio.

Le canard qui a révélé cette dernière affaire racontait comment Princess, un yacht de 18 mètres de plus d'un million d'euros, appartenant à Bruno Roger, le PDG de la banque Lazard Frères, disparaissait en pleine nuit du port de Bonifacio en Corse. «Après une halte en Sardaigne, il ne tarde pas à réapparaître en Tunisie, à Sidi Bou Saïd», raconte l'hebdomadaire satirique. La compagnie d'assurances de Bruno Roger, qui dépêche un enquêteur en Tunisie, va y découvrir le yacht repeint et enregistré à la capitainerie du port de Sidi Bou Saïd sous le nom d’Imad Trabelsi, le célèbre neveu de Leïla, la femme du président. Informé, Interpol se rend sur place et saisi le yacht le 26 mai 2006 et puis le restitue à son propriétaire.

Mais, bonnes relations avec Tunis obligent, les négociations pour éviter de mettre en cause la famille de Ben Ali vont bon train. En la matière, la proximité entre Bruno Roger et Jacques Chirac, l’ancien président français s’est s'avérée très utile. Le patron de la banque Lazard s’est d’ailleurs montré très discret sur la mésaventure du Princess. Des tractations auraient même eux lieu pour racheter le fameux yacht et régler l’affaire « entre amis ». L’excellente relation qu’entretient Nicols Sarkozy avec son homologue Ben Ali ne pourra que renforcer le soutien de la diplomatie française à la famille du président tunisien. Bien vaillance qui pourraient expliquer qu’il a fallu deux ans au juge d’instruction français pour obtenir l’audition des frères Trabelsi !

Quatorze ans en arrière c’est le scandale du sang contaminé vendu par la France à la Tunisie qui aurait servi de monnaie d’échange pour que les autorités françaises renoncent à extrader Moncef, le frère de Ben Ali, condamné par contumace à Paris à douze ans de prison pour «trafic de drogue» dans l’affaire de la « Couscous Connection ». Que seront aujourd’hui les arguments du palais de Carthage pour pousser l’Elysée à calmer les ardeurs de la justice française ? L’affaire du jeune tunisien Abdelhakim Ajimi, tué lors d’une bavure policière en France ou les contrats fraichement signés, pourraient êtres des bonnes pistes de réflexions. Pour une famille qui semble ne rien se refuser…

Article publié sur Nawaat.org



mardi 6 mai 2008

Mai 1968 – Mai 2008, 40 ans de «liberté» d’expression en Tunisie




C'était pourtant en 1968 ...




Comment ne pas reconnaître l’aspect si surprenant de ces séquences d’un reportage tourné il y a 40 ans. Il s’agit d’un échange entre jeunes étudiants Tunisiens sur un de ces sujets si tabou en Tunisie.

Et pourtant … Des décennies plus tard, on s’aperçoit que la capacité des tunisiens à s’exprimer sur leur quotidien, notamment politique, au sein des médias autorisés, demeure toujours aussi stérilisée. La politique s’avère être encore plus tabou que les mœurs. Pour les plus hardis, la malice, parfois d’une rare cocasserie, se substitue aux propos directs pour lâcher ce qu’ils ont sur le cœur. Tous les interstices, surtout sportifs, sont mis à contribution pour repousser les limites de la répression de la liberté d’expression.




Pour les plus hardis, faute de mieux, la malice se substitue aux propos directs...
"Moncef, pourquoi ris-tu ... ti chbiik !"




Le monde a changé et les Tunisiens avec. Et pour les nantis d’entre-eux, avec l’internet, c’est l’accession enfin à un paysage médiatique plus libre, plus ouvert, malgré les blocages de l’ATI.

L’Internet, par le biais de ses canaux libres, a rendu toute forme de censure ou de travestissement de la réalité bête et ridicule à l’image de ses auteurs. Du procès du défunt Moncef Ben Ali si « blackouté », aux documents de la CIA déclassés, en passant par la mise en ligne publique du calendrier des réservations d’espaces publicitaires sur certains quotidiens, jusqu’au déplacement de l’avion présidentiel... tout est aujourd’hui devenu accessible malgré la censure.




Procès de la "Couscous Connection" - JT FR3, novembre 1992



L'Internet a été une bénédiction pour toutes les plumes libres, mais également la malédiction qui a ringardisé, en un laps de temps si court, tous ces imbéciles qui n’ont toujours pas compris qu’à la désinformation, il y a une limite au-delà de laquelle il ne faut pas s’aventurer. Et en l’occurrence, les temps sont loins où l’on pouvait raconter tout et n’importe quoi en jouissant du monopole de la parole publique tout en excluant les contradicteurs de leur droit à la parole. Aujourd’hui, avec ce qui se passe et s’échange sur près de 500 blogs tunisiens actifs, la lutte pour ces imbéciles de la désinformation est devenue inégale. Il n’y a qu'à voir où et sur quels supports les tunisiens se sont informés à propos des derniers événements d’El Redaif .



Blogs Tunisiens - Tunisian Blogs
Près de 500 blogs actifs à l'affut des écarts de Mbarek et ses semblables ...



Bien qu’encore relativement timorés pour certains, les blogs tunisiens n’hésitent plus désormais à clouer au pilori la « presse boudourou » (Presse à deux sous) telle qu'il la qualifient communément.

Cette blogosphère, après une première période marquée par une défiance exacerbée à l’égard de la chose publique, défiance qui fut particulièrement nourrie à l’époque – et non sans arrières pensés - par une première génération de blogueurs, sous le prétexte de ne pas vouloir faire de la politique, va s’enhardir pour remplir ce rôle en matière d’information, qui n’est normalement pas sa vocation naturelle.

En effet, depuis peu on assiste à une inversion de tendance où la réappropriation de l’espace public et la parole qu’elle suppose n’est plus perçue comme une politisation malsaine, mais comme l’exercice d’un droit à l’information et à la parole, y compris lorsqu’il s’agit d’exercer un droit de regard sur la gestion des affaires de la cité. Se faisant, s’est amorcé ainsi ce positionnement de la blogosphère tunisienne en tant que pôle désormais incontournable dans le paysage informatif tunisien. Il faut reconnaître aussi que la langue de bois des médias officiels, les privant de toute crédibilité, va largement contribuer à mettre en avant la blogosphère, non pas uniquement quant à la circulation de l’information, mais également dans la création de l’événement médiatique.

Et à plus forte raison, une troisième étape se dessine par l’arrivée de plus en plus de journalistes professionnels qui ont choisi de contourner la censure par la création de leurs propres pages en ligne. Aux blogs des journalistes pionniers en la matière comme celui de Nadia Omrane, A. Zouri ou de Slim Boukhdir (actuellement emprisonné et son blog hacké depuis), on voit arriver ceux de Soufiane Ben Farhat ou de Zied El Heni. Et au-delà des journalistes, on trouve également d’autres profils à l’image de Kastalli Chérif, lequel, bien que se revendiquant comme un « militant de base au sein du RCD et défenseur acharné du projet de société civile de Ben Ali », n’hésite pas à relever dans le pays du même Ben Ali, que « le journaliste est en train de perdre son statut pour devenir une loque humaine [...] ».

Tout comme ce cadre et exploitant agricole Tunisien, on en dénombre d’autres, issus de diverses branches, lesquels désormais contribuent à créer de l’information sur leurs blogs. Cette même information que les médias locaux censurent, transforment ou, dans le meilleur des cas, ignorent.

La liberté d’expression des Tunisiens s’exerce effectivement sur l’internet. Et plus celle-ci s’exerce, plus les médias officiels dont la parole est toujours aussi lénifiante s'avèrent ringards et surranés. Tout esprit sensé, aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que, avec l’apparition du réseau des réseaux, la liberté de la presse en Tunisie évolue un tant soit peu. Il n’en fut rien. Et l’on assiste aujourd’hui à un constat qui fait que l’un des plus anciens journaux de la place « La Presse de Tunisie », l’un des plus tirés autrefois, soit perçu, non pas par la majorité, mais par quasiment l’ensemble de la blogosphère tunisienne comme l’un des summums de la presse lénifiante, pour ne pas dire de caniveaux. Et parmi ceux qui sont perçus comme les grands toccards de ce journalisme tunisien, quelqu'un comme M M, un des redacs chefs du même journal, "La Presse", occupe le haut de cette liste peu glorieuse. Quel gachis !

En ce jour où se commémore la « Journée Mondiale de la Liberté de la Presse », bonne fête à tous les épris du droit à la parole et du droit pour une circulation sans entrave de l’information.

Astrubal,
Centrist
et Malek

Samedi 3 mai 2008
http://www.nawaat.org



lundi 5 mai 2008

Les internautes français jugent les propos du président Sarkozy

lors que les internautes tunisiens réagissent timidement à la visite de Nicolas Sarkozy en Tunisie et à son fumeux Discours de Tunis, leurs amis français, eux, n’ont pas perdu du temps pour être nombreux à le faire. Un discours, qui, contenu des premières déclarations du président français, s’annonçait déjà très prometteur. Et on peut dire, sans risque de se tromper, qu’il l’a été !

Les mêmes ingrédients qui ont fait le succès du candidat puis du président Sarkozy, les mêmes qui lui valent aujourd’hui une dégringolade sans précédent dans les enquêtes d’opinions en France, ont été employés pour montrer encore une fois, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, son soutien total et inconditionnel, à son hôte le dictateur-président Ben Ali.




Nicolas Sarkozy devant les étudiants de l'INSAT - Tunis - 30 Avril 2008 - Images: Public Sénat



Tout cela n’a donc pas échappé à la critique, le plus souvent cinglante, des compatriotes internautes de M. Sarkozy qui sont sûrement plus à même de décortiquer les subtilités de son discours. Comme le montre ce commentaire publié sur le site internet du quotidien Le Monde :


« On avait eu droit à “Est-ce que vous trouvez normal qu’une jeune femme soit brûlée vive dans un bus… ?” (Ben non, toi oui ?) […] C’était avant de faire Président. On continue à présent avec: “Alors tout n’est pas parfait en Tunisie, certes, tout n’est pas parfait en France non plus”. Ou encore la voix de son maître: “la Tunisie n’est pas la Corée du Nord”. Ben ouai, faudrait voir à pas oublier que tout est relatif… »


L’internaute fait référence à cette fâcheuse tendance de M. Sarkozy à poser des questions dont les réponses sont évidentes et qui bien évidemment servent la logique de son argumentaire. Donc, il est clair que si la question est : « voulez-vous que « les barbares » s’emparent de la Tunisie ? » La réponse des bientôt 11 million de tunisiennes et tunisiens ne pourrait être qu’un grand oui à l’unisson. Mais là où la manœuvre est payante, c’est quand il rajoute derrière : « C’est pour cela que je suis venu ici soutenir les efforts du président Ben Ali » !

Mais l’ironie n’a pas été le choix de tous et les commentaires étaient pour la plupart très virulents d’où il ressort en premier un sentiment de « honte » et d’« indignation ». En effet, pour beaucoup, le président français n’a pas été « digne de ses fonctions présidentielles » comme le fustige ce commentaire assassin d’un certain « Yannick L» :

« Il est difficile d’imaginer pire représentant de la France que notre Président. Il se comporte à l’étranger comme un marchand de cravates. Aucun sens de l’honneur, aucune grandeur d’âme. Il piétine sans vergogne tous les grands principes, car il n’a pas de principes, aucun dessein…»

Francis qui s’exprimait sur un article paru sur libération.fr enfonce le clou :

« Le modèle de Sarko, ce n’est certainement pas Charles de Gaulle. Ce n’est pas non plus Mitterrand, ni Chirac, ni Giscard, ni Pompidou. Tous avaient une haute idée de la France. Jamais ils n’auraient abdiqué les valeurs de la République, notamment les Droits de l’Homme, devant un dictateur…».

Il est clair que ça aurait été naïf d’attendre quoi que ce soit de Sarkozy sur le sujet des droits de l’Homme en Tunisie, il a montré lors de son premier passage à Tunis en 2006 qu’il considérait clairement Ben Ali comme un allié à soutenir et il n’y avait aucune raison pour que cela change entre temps. Surtout, qu’il y a eu depuis, la déjà légendaire, visite de Kadhafi en France et les déclarations d’amour à la moitié des dictateurs encore vivants de cette planète. Mais, delà, à carrément en venir à prostituer des valeurs aussi nobles et aussi ancrées dans l’histoire des peuples, et en rajouter comme pour assumer son acte, peu de gens l’avaient envisagé. Un langage et un comportement qui semble terrifier certains :

« Ce qui me terrifie, c’est que malheureusement, un clou chassant l’autre, les prochains discours (présidence de l’Union européenne, Jeux Olympiques, pour rester dans l’actualité) seront de pire en pire… ».

Voir horrifier d’autres :

« Quelle horreur ! Je crois que ça y est le président français vient de nier d’un seul coup tout ce qui nous construit : fini l’éthique en politique. C’est la porte ouverte au plus sordide. Au vu de ce qui va continuer de se passer en Tunisie, on peut presque parler de « crime contre la République ».

Mais ce qui semble le plus indigner ces internautes, c’est le caractère « raciste » et « condescendant » du discours du président français. Comme le signale avec beaucoup de prudence cette internaute :

« Vous avez sans doute raison sur le fait qu’il ne faille pas forcément se jeter dans la brèche, mais cela n’empêche pas que ce que dit Sarko est raciste ».
« Même Le Pen n’aurait pas osé sortir pareille connerie ! »

Enchérit un autre.

Beaucoup d’entre eux se rappellent le fameux discours de l’université de Dakar sur « l’Homme africain », qui selon lui « n’est pas assez entré dans l’histoire. » ! Sarkozy récidive à Tunis avec : « Vous avez une main d’œuvre qui ne demande qu’à être formée” […] “Nous avons beaucoup d’intelligence et beaucoup de formation. ». Un propos prononcé la veille lors d’un autre discours et repris avec d’autres mots dans le Discours de Tunis : « Vous avez fait apparaitre une classe moyenne qui pourra consommer et produire les produits que nous même nous pouvons vendre » !


Mais, Henri Guaino, le véritable auteur de ces discours sirupeux, populistes, démagogues et aux relents racistes, n’a pas été oublié par les critiques souvent indignées des internautes français, à l’instar de « AC-89 » qui lance lors d’une discussion sur le site d’information Rue89.fr :

« Probablement un discours rédigé par Henri Guaino, comme celui de Dakar. Ce type transpire le racisme et la suffisance."

Au cours de la même discussion Queenisdead est quant à lui beaucoup plus loquasse :

[…] En parlant d'écriture, je me demande qui a bien pu lui écrire son discours, une nouvelle fois Guaino ? Cette paire de récidivistes est en train de faire plus fort que George W Bush, c'est dire ! Bref, j'ai honte pour mon pays, j'ai honte car il est sensé représenté la France. Les plaies du discours de Dakar ne sont pas encore refermées, qu'il se sent obligé d'y rajouter un peu de sel! On subodore, des préjugés raciaux qui fleurent bon le XIX° siècle, cet homme n'est pas l'avenir, il vit dans le passé [...] »

« Sonnez le réveil », un peu abattu par tant de condescendance, tente de faire réagir les Tunisiens en leur adressant son message :

« Tant pis pour la France ! Pays réduit à un mini pays qui mérite son mini président. Mais franchement les Tunisiens et les autres, vous avez une histoire longue de 3000 ans et plus, vous avez régné sur le monde comme des seigneurs et aujourd’hui vous cherchez votre salut auprès du président le plus ridicule dans l’histoire de la France…réveillez-vous ! Et faites comme vos ancêtres qui ont foutu dehors le dernier soldat et ont construit leur gloire de leur bravoure."
On ne peut que partager son avis !

Il est clair que quand M. Sarkozy nous félicite pour tout ce que la Tunisie a accompli en 52 ans d’indépendance, il semble oublier que l’histoire de la Tunisie ne se résume pas seulement à son histoire avec la France. Il oublie sûrement…ou, ne le sait-il peut-être pas, qu’il prononce son discours à deux pas de Carthage, capitale historique de la méditerranée ! C’est comme si l’on disait aux Français « regardez tout ce que vous avez accompli en 63 ans d’indépendance », considérant la Libération comme le début de l’histoire de France ! Ainsi, il est donc normal que la France produise le Minitel, le TGV, l’Airbus, et des centrales nucléaires depuis 1946 et que la Tunisie se limite à ses lois antiterroristes qui font ce progrès tant apprécié par le président Français !

En fin de compte et après la performance « remarquable » de M. Sarkozy, on peut tout à fait le croire sur parole quand il dit qu’il n’est pas venu en donneur de leçons. Je dirais même qu’il a bien fait de s’abstenir. Des leçons…surtout en histoire, c’est lui qui semble en avoir le plus besoin.


Malek Khadhraoui


Articles publié sur Nawaat.org